Soutien social: la DG de l'ANSS explique le plan de l'Etat pour renforcer l'impact du chantier royal
Ce vendredi 18 avril 2025 dans l’enceinte de la Chambre des représentants, une journée d’étude consacrée au soutien social direct a permis de faire le point sur l’un des chantiers les plus emblématiques de la nouvelle politique sociale de l’État. À la tribune, la directrice générale de l’Agence nationale du soutien social (ANSS), Wafaa Jamali, a livré une intervention dense et sans effets de manche, mais construite autour d’un message clair : le programme est en place, les fonds sont mobilisés, mais le vrai défi commence maintenant.
Lancé fin 2023, le soutien social direct a pour vocation d’apporter une aide monétaire régulière aux ménages les plus modestes. Selon les données avancées, près de quatre millions de familles sont aujourd’hui concernées, ce qui représente environ un tiers de la population. Cette aide est versée chaque mois, sur la base de critères définis par le registre social unifié, un dispositif censé garantir un ciblage plus juste. Pour l’année 2024, 25 milliards de DH ont été consacrés à ce programme. Les transferts peuvent concerner aussi bien des familles avec enfants que des foyers hébergeant des personnes âgées ou des veuves avec enfants à charge.
Mais pour Wafaa Jamali, il ne s’agit pas uniquement de chiffres. Le cœur de son intervention a porté sur la manière dont ce dispositif peut, à terme, évoluer vers un véritable levier de transformation sociale. En l’état, reconnaît-elle, l’aide versée permet d’alléger des situations précaires, mais elle reste insuffisante pour enclencher un changement durable si elle n’est pas accompagnée d’autres mesures. Elle l’illustre par un exemple vécu lors d’une visite informelle auprès d’une famille bénéficiaire : un père convalescent après une paralysie partielle, une mère sans emploi, quatre enfants dont un nourrisson. Le soutien de 636 dirhams par mois représente, dans leur cas, environ un quart des revenus mensuels. Ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas une réponse complète.
C’est là que l’ANSS veut intervenir davantage. L’idée défendue est celle d’un accompagnement élargi, plus proche du terrain, capable de prendre en compte les besoins réels des familles : accès aux soins, suivi scolaire des enfants, alimentation, activités périscolaires, garde d’enfants, ou encore appui à la recherche d’emploi. Pour cela, une mesure concrète a été annoncée : l’ouverture, au cours de l’année 2025, d’une première représentation territoriale de l’ANSS. Cette antenne pilote permettra d’expérimenter un modèle plus proche, plus humain, dans la manière de gérer l’aide sociale. Si l’expérience est concluante, elle pourrait être généralisée progressivement à l’ensemble du territoire.
L’approche défendue se veut transversale. Le soutien social ne serait plus un simple transfert monétaire, mais un outil intégré, activant plusieurs leviers à la fois. L’ANSS se propose d’agir comme un relais entre les familles et les autres administrations, en lien avec les collectivités, les établissements de santé, les écoles et les associations. C’est une manière de dépasser la logique de guichet et d’entrer dans une dynamique d’accompagnement.
Dans le même temps, Wafaa Jamali insiste sur un autre enjeu : celui de la lisibilité et de la coordination des politiques sociales. Il ne s’agit pas de dupliquer ce qui existe déjà, mais de faire en sorte que les différentes interventions publiques convergent, soient suivies et produisent des effets mesurables. Cela suppose une capacité à évaluer en continu ce qui fonctionne, à corriger ce qui ne fonctionne pas et à s’adapter aux spécificités locales.
Sur le plan budgétaire, elle rappelle que le Maroc consacre aujourd’hui près de 2 % de son produit intérieur brut (PIB) au soutien social direct, ce qui le place parmi les pays les plus engagés du continent africain dans ce domaine. Mais elle prend soin de nuancer ce chiffre en précisant que l’essentiel n’est pas le montant investi, mais l’impact réel produit.
Wafaa Jamali n’a pas éludé les limites actuelles du dispositif. Elle les reconnaît même ouvertement : les outils de suivi ne sont pas encore pleinement opérationnels, l’implication des acteurs locaux reste inégale, et certaines familles rencontrent encore des difficultés à accéder à leurs droits. Mais plutôt que de les présenter comme des échecs, elle les inscrit dans un processus d’ajustement normal pour un programme de cette ampleur.
Son intervention s’est conclue par un appel à renforcer la collaboration entre institutions, avec une mention particulière pour le Parlement, invité à jouer un rôle actif dans le suivi et l’évaluation. Le chantier est encore jeune, a-t-elle rappelé, mais il a vocation à s’inscrire dans la durée. L’objectif n’est pas seulement d’apporter une aide temporaire, mais de contribuer à la construction d’un cadre social plus cohérent, plus lisible, et plus efficace.